Journée d’étude du 05 avril 2023

Jardins de pierre : ruines, vestiges et traces en milieu urbain

en partenariat entre l’HiCSA de Paris 1 et le master « Jardins historiques, patrimoine et paysage de l’ÉNSA de Versailles

Vue du jardin archéologique de Cybèle, Vienne, Isère © J.-Fr. Cabestan

Événement hybride en ligne sur inscription :

  • via Evenbrite
  • et en salle Vasari, INHA, 2, rue Vivienne Paris 2e.
    Accès limité à 80 participants (inscription sur Eventbrite)
  • Jean-François Cabestan, historien, chercheur à l’HiCSA de Paris 1
  • Stéphanie de Courtois, historienne, enseignante et chercheur à l’Énsa de Versaillles

Programme

Télécharger le programme

Mercredi 05 avril

  • 09h00-09h25 Accueil et introduction par les organisateurs
    • J.-Fr. Cabestan, historien de l’architecture, maître de conférences à Paris 1 et
    • Stéphanie de Courtois, historienne de l’art, maître de conférences à l’ÉNSA de Versailles

Matinée : Ruines, vestiges et traces : typologie des mises en valeur
présidente de séance : Stéphanie de Courtois

  • 09h30 -09h55 : Caroline Millot, Docteure en hist. de l’art, anc. laboratoire ARTopos : Nîmes, le cas singulier des Jardins de la Fontaine, par l’ingénieur Jacques-Philippe Mareschal (1741-1774)
  • 10h00 -10h25 : Corrado de Giuli Morghen, architecte, co-gérant de Fabrica Traceorum : Le port antique de Marseille ou le projet paysager au service de la médiation archéologique
  • 10h30-10h45 : questions/réponses ou pause
  • 10h45-11h10 : Paul Barnoud, architecte en chef des Monuments historiques : les cas de Vienne, de la Charité-sur-Loire et du musée de Cluny à Paris
  • 11h15-11h40 : Christophe Amsler, architecte, Lausanne (CH) : Avenches, l’amphithéâtre de la ville et de la campagne
  • 11h45-12h30 Table ronde 1 : Fouilles archéologiques, de la contemplation méditative à l’intégration paysagère

animée par J.-Fr. Cabestan et Stéphanie de Courtois

Tous les intervenants de la matinée, rejoints par Florence Babics, architecte du Patrimoine, École de Chaillot, Chloé Demonet, historienne de l’art, Jean-Michel Leniaud, historien, ancien directeur de l’École des Chartes, Benjamin Mouton, architecte en chef des Monumts historiques.

  • 12h30-14h00 : pause déjeuner

Après-midi : Intervention dans un environnement stratifié donné
président de séance : J.-Fr. Cabestan, Paris 1

  • 14h00-14h25 : Susanna Pasquali, historienne de l’architecture, La Sapienza, Rome : Le projet de Louis-Martin Berthault et de Guy de Gisors pour le jardin du Capitole
  • 14h30-14h55 : Daniele Campobenedetto, architecte, enseignant au Politecnico de Turin : Le Parc Dora et autres cas turinois
  • 15h00-15h15 questions/réponses et pause
  • 15h15-15h40 : Alain Schnapp, historien et archéologue, ancien directeur de l’INHA : État des ruines, de la Mésopotamie au monde contemporain
  • 15h45-16h30 Table ronde 2 : Utilisation, instrumentalisation et détournement de la substance historique à des fins paysagères

animée par J.-Fr. Cabestan et Stéphanie de Courtois

Tous les intervenants de la journée rejoints par Florent Clier, architecte-paysagiste, Ensa de Versailles, Nicolas Detry, architecte, Ensa de Clermont-Ferrand, Paul Zalewski, Professor for Cultural Heritage Studies at the European University Viadrina in Frankfurt/O

Vue du jardin archéologique de Cybèle, Vienne, Isère © J.-Fr. Cabestan
  • 16h30 Conclusions et fin des travaux

Note d’intention

Télécharger la note d’intention

Liées à des interrogations suscitées par maintes situations critiques rencontrées en France et dans les pays voisins, l’édition 2023 de nos journées d’étude du printemps portera sur la question de l’intégration des témoignages d’un passé toutes époques confondues dans les espaces plantés et les jardins de la ville contemporaine : ruines, vestiges, et traces.

Il y a souvent antagonisme entre la conservation des témoignages du passé et les politiques urbaines. Réévalué à la faveur de journées d’étude sur les abords de Notre-Dame de Paris (2021 et 2022), le sort dévolu aux découvertes archéologiques des années 1960-70 a marqué les esprits. Indissociables de la construction d’un parking souterrain au-devant du monument, ces vestiges et le projet de leur mise en valeur ont donné lieu au courant des années 1980 à un conflit d’intérêt. Il en est résulté la réalisation d’une dalle opaque propre à ensevelir ce qu’on venait de trouver ainsi qu’un partage des sous-sols entre cette substance archéologique et les véhicules au moyen d’un voile de béton au tracé âprement négocié. Ce qu’on a décoré du nom de « crypte archéologique » désigne de fait la quantité d’espace soustrait aux voitures qui devaient l’occuper, qui n’a guère plus de qualités spatiales que les deux étages du parking limitrophe. Dans ce cas, la volonté d’occultation des véhicules dont on ne souhaitait plus qu’ils encombrent le parvis s’est indéniablement étendue aux vestiges antiques, médiévaux et modernes.

Issu de l’intuition visionnaire d’un Dominique Perrault, maître du travail en coupe, l’un des apports de la Mission Île de la Cité présentée en 2017 a été de montrer que leur destin n’était pas de demeurer irrémédiablement à fond de cale. Cette hypothèse de travail a suscité beaucoup d’incompréhension, voire un tollé notamment dans les milieux du patrimoine. L’appréhension que suscite la mise en relation des dessous et des dessus est une constante dans les politiques d’aménagement en France, invariablement frileuses et souvent maladroites en la matière. La

désignation du lauréat de la consultation sur l’aménagement des abords de la cathédrale (2021-22) offre une illustration caricaturale de cet état de fait. Car loin d’envisager cette ouverture partielle de la dalle auxquelles les trois équipes concurrentes se sont essayées, le groupement dirigé par Bas Smets entérine ce partage entre le monde aérien et le monde souterrain, une forme de façadisme à l’horizontale. D’une manière générale, force est de constater que la conservation des vestiges confinés dans un périmètre qui se résume à une peau de chagrin et la loi sur l’archéologie préventive du 17 janvier 2001 apparaissent aux yeux de beaucoup comme une entrave au renouvellement et au développement urbains.

Dans quelques cas qu’on se propose d’identifier et de mettre en lumière – l’enjeu de cette journée est qu’ils fassent mouche – il s’agit de montrer qu’une certaine forme de regard sur les témoignages du passé a au contraire engendré un cercle vertueux et dynamique, propre à générer de remarquables projets paysagers et de mise en valeur, topographique et urbaine. Si les exemples de bâtiments habilement investis, recomposés, réappropriés, voire transcendés sont légion, la mise en valeur paysagère d’un ensemble donné toutes époques confondues est plus rare et bien moins documenté : c’est la matière sur laquelle on se propose d’attirer ici l’attention. Pour clarifier le propos, prenons l’exemple de Nîmes. Sans doute l’amphithéâtre auquel la cité gallo-romaine s’était trouvé réduite lors des invasions a-t-il constitué le pôle de développement de la ville du Moyen-Âge, ce qu’on appelle l’écusson, actuellement délimité par les boulevards, une sorte d’hernie qui a prospéré au nord de cette matrice qu’est l’équipement antique. De même à la fin du 18e siècle, la Maison carrée a-t-elle généré plus ponctuellement un ensemble urbain dont le Grand Théâtre auquel s’est substitué la médiathèque de Norman Foster était le fleuron.

Mais c’est l’opération des Jardins de la Fontaine qui nous paraît la plus féconde, en ce que l’interprétation raisonnée des vestiges romains par l’ingénieur Jean-Louis Mareschal a abouti dans les années 1740 et 1750 à la création d’un jardin et d’une promenade qui a fait date. Le bassin des sources, le temple de Diane et la tour Magne constituent depuis cette époque les pôles d’un ensemble recomposé dont certains dispositifs n’ont pas été retenus, tels l’ancien théâtre demeuré enfoui. On notera qu’au grand dam des adeptes inconditionnels de la Charte de Venise, la mise en valeur et les augmentations auxquelles ce qui subsistait des constructions antiques a été soumis présente un tel degré de cohérence que l’identification de ce qui est antique et de ce qui ne l’est pas est susceptible de tromper la perspicacité des meilleurs spécialistes. À une échelle plus modeste, les thermes de Bath offrent au Royaume-Uni l’explicitation d’un même type d’attitude. Au vu des faibles résultats souvent engrangés ailleurs et depuis à force de réserve, d’hésitations, et d’un manque d’audace dont l’alibi est la rigueur méthodologique, peut-on réellement considérer que les maîtres du 18e siècle étaient des iconoclastes ?

Une sélection de cas de figure pris en France et dans les pays voisins remontant à des périodes historiques contrastées et récentes permettra de renouveler le regard sur ce matériau jugé déconcertant que sont ces ruines, ces vestiges et ces traces. On s’attardera sur l’examen de situations où, par le bais d’une pesée d’intérêts fondée sur appréciation fine mais renouvelée d’un état des lieux stratifié et complexe, ce qui est de l’ordre de l’obstacle et de l’empêchement s’est métamorphosé en potentiel actif et en situation de projet. Issu d’horizons complémentaires, archéologues, historiens, architectes, paysagistes et connaisseurs de tout poil sont invités à ajouter une contribution théorique aux réflexions de la journée. Celle-ci s’adresse à tous les publics.